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Édition avril 2024

SAUVAGINE

Texte, photos et vidéo : François Lévesque

LA CHASSE DES CANARDS PLONGEURS:

UN AUTRE MONDE!

Il faut bien le dire, le canard plongeur n’a pas la même estime chez le sauvaginier québécois que ses cousins les barbotteurs. La plus grande popularité du malard et du noir s’explique d’abord par l’accessibilité de cette chasse.

Ainsi, un nemrod peut facilement s’adonner à la chasse au barbotteur à peu de frais en se promenant sur les berges d’un cours d’eau ou au champ. Le chasseur de canards plongeurs de son côté doit posséder, en plus de l’équipement de base de tout sauvaginier, une solide embarcation équipée d’un moteur de bonne cylindrée ainsi que tous les équipements légalement requis par Transports Canada en plus de son permis de conducteur d’embarcation, sans oublier le problème d’entreposage et d’assurances que cela suppose.

Le chasseur de canards plongeurs de son côté doit posséder, en plus de l’équipement de base de tout sauvaginier, une solide embarcation équipée d’un moteur de bonne cylindrée.

Autre facteur important : le goût. Peu de chasseurs apprécient la saveur prononcée des canards de mer et leur goût est difficile à masquer, même avec la plus intense des marinades.

Malgré tous ces inconvénients, la chasse du canard plongeur représente un défi excitant où l’action se déroule souvent dans un cadre époustouflant tant par sa beauté que par sa démesure. Il existe aussi de nombreuses recettes de canard de mer qui semblent acceptables. Cette chasse est aussi possible à partir de la berge mais ce mode de récolte ne fait pas partie du présent article, qui s’intéresse à la chasse du canard plongeur à partir d’une embarcation.

Voici donc nos meilleurs trucs pour une chasse du canard plongeur réussie!

La prospection

Que vous chassiez l’outarde, l’oie blanche ou le canard barbotteur, vous avez remarqué que ces oiseaux ont un site de repos et un site nourricier. Autrement dit, un dortoir et un garde-manger.

Comme tout bon chasseur, vous ne voulez pas chasser le dortoir sachant que cela aura pour effet de pousser vos oiseaux à changer de secteur, ce qui affectera inévitablement vos chances de succès sur vos permissions qui sont à proximité.

Les canards plongeurs ne fréquentent pas vraiment les champs mais ont eux aussi un site de repos et un site d’alimentation. Chasser le site de repos des plongeurs de votre secteur aura généralement le même effet que pour les barbotteurs.

Vous devez donc découvrir ces deux sites (alimentation et repos) lors de votre prospection et, le temps venu, tenter de vous placer dans la ligne de vol entre ces deux sites afin de pouvoir profiter des déplacements des canards sans pour autant vider le secteur. Votre plaisir s’en trouvera prolongé.

THINK BIG

L’environnement maritime diffère fortement de ce que les chasseurs de barbotteurs sont habitués de voir en marais ou au bord du fleuve. Même par temps calme, la configuration de la surface (vagues, vent, hauts fonds etc.) fait en sorte que les appelants sont difficilement visibles à longue distance. Qui plus est, la houle fait monter et descendre les appelants régulièrement de manière à ce qu’ils disparaissent pendant 1 ou 2 secondes pour ensuite réapparaître tout aussi fugacement l’instant suivant. Il devient donc difficile pour les oiseaux d’apercevoir l’installation.

Un ensemble comportant une centaine d’appelants et l’ajout de quelques unités avec ailes mobiles aide grandement à vous rendre visible et donc, à attirer les canards. Une installation moins importante fonctionnera certainement mais attirera moins de canards.

Un ensemble comportant une centaine d’appelants et l’ajout de quelques unités avec ailes mobiles aide grandement à vous rendre visible et à attirer plus de canards. Ci-dessus, un appelant à ailes mobiles.

Un ensemble comportant une centaine d’appelants et l’ajout de quelques unités avec ailes mobiles aide grandement à vous rendre visible et à attirer plus de canards. En vignette appelant à ailes mobiles.

Le comportement aux appelants

Les canards barbotteurs se présentent derrière leurs congénères, c’est un fait bien connu et nous disposons nos appelants en conséquence. Les barbotteurs se posent derrière les appelants, les plongeurs aiment passer par-dessus les leurres. Il faut donc ajuster votre installation en conséquence.

Les longues lignes d’appelants généralement installées par les chasseurs de canards de mer aguerris permettent à l’installation d’agir comme une longue piste d’atterrissage et de mener les oiseaux à portée de tir, pour peu que votre embarcation se trouve à peu près en ligne avec le centre de l’ensemble. L’entrée de l’installation sera en bas du vent dominant cette journée-là. Une réalité susceptible de dépayser le chasseur de barbotteurs mais dont il faut impérativement tenir compte.

Le tir

Je reviens souvent sur cet aspect de la chasse mais la question se pose avec encore plus d’acuité lorsque vient le temps de faire feu sur une bande de fusées de mer : la qualité du tir.

C’est une vérité absolue que la vitesse d’un kakawi arrivant avec un bon vent de dos n’a rien à voir avec celle d’un malard qui descend en chandelle devant la cache.

De plus, les canards de mer changent souvent de direction au moment d’amorcer leur descente finale, en plus de ne pas amerrir dans l’ordre habituel. Ce que j’entends par ordre habituel, c’est l’habitude qu’ont les barbotteurs, outardes et oies d’atterrir dans l’ordre de vol, l’oiseau menant le vol atterrissant en premier suivi du deuxième et ainsi de suite. Le canard plongeur ne suit pas cette règle et les canards derrière la volée amerrissent souvent avant le meneur de vol, autant de situations déstabilisantes pour le tireur. Tenez-vous prêt à toute éventualité!

Durant la saison morte, entrainez-vous avec des cibles qui peuvent se croiser ou venir par derrière. Ne craignez pas de prendre une bonne avance sur l’oiseau au moment du tir et ne soyez pas radins côté munition car ces palmipèdes robustes demandent souvent à être achevés d’une deuxième voire d’une troisième salve. Les cartouches de 3 pouces avec billes de format BB font le travail mais pour les coups de grâce des billes plus petites sont plus efficaces. Par sphères plus petites j’entends numéro 4 ou même 6.

Je sais qu’il y a une mode présentement qui consiste à utiliser une arme de petit calibre pour chasser les oiseaux migrateurs mais, lorsque j’emprunte la route de la Gaspésie en décembre pour chasser le canard de mer, mon calibre 20 reste dans l’armoire et un  12, parfois un 10, sont de la partie.

Le fusil de calibre 12 avec munitions de 3 po sont un minimum pour affronter les coriaces canards de mer.

L’eau salée

L’eau salée a un effet néfaste sur l’acier des armes à feu. La corrosion qu’elle provoque est rapide et sournoise. La chasse du plongeur en eau douce ne pose pas les mêmes défis.

Si vous chassez en eau salée, il est primordial de démonter et nettoyer l’arme immédiatement après chaque sortie. Un de mes amis recouvre son arme d’une fine couche de graisse (type vaseline) avant chaque sortie en eau salée. Si vous optez pour cette option, la couche appliquée doit être très fine et ne mettez en aucun cas de graisse sur les parties mobiles de l’arme ou à l’intérieur du canon. La graisse reste en place et protège l’arme mais ne la lubrifie pas. Elle a plutôt l’effet contraire et avec la chaleur elle agira comme une colle difficile à enlever.

Une fois la sortie terminée, démontez l’arme au complet et assurez vous de nettoyer toutes les parties incluant les filets de l’étranglement et le groupe gâchette-percuteur. Enduisez ensuite le tout d’un lubrifiant sec ou à l’huile, selon les recommandations du fabriquant. Entreposez ensuite l’arme dans un endroit sec et sécuritaire. Les coffres de voiture, les garages ou les cabanons sont des endroits par excellence pour qui veut avoir une arme rongée par la rouille.

Les manger

Le goût des canards plongeurs n’est pas pour tout le monde. Cependant, il existe des manières de mettre toutes les chances de son côté si vous osez vous lancer. D’abord, vous devez savoir que plus le canard de mer faisande, plus son goût devient prononcé. Il faut donc les cuisiner tôt après la chasse si l’on veut éviter d’avoir envie de se couper la langue. De plus, le gras contribue de manière importante au fameux goût de poisson de certains plongeurs. Enlever le plus de gras possible aidera votre cause. Ne faites surtout pas congeler vos prises sur une longue période : plus c’est congelé longtemps, plus c’est mauvais! Faites plutôt tremper vos morceaux de viande dans une eau saline au réfrigérateur, eau que vous changerez régulièrement pour un trempage minimal de 24 heures. Notez qu’une cuisson médium saignante rend le goût plus acceptable qu’une cuisson prononcée.

Il faut bien apprêter les canards de mer et utiliser une cuisson médium saignante pour les apprécier dans l’assiette

Debout matelots !!

Je chasse le canard de mer en fin de saison uniquement. Comme j’effectue une trentaine de sorties en 2 mois pour la grande oie des neiges, le canard et l’outarde (sans compter le dindon), lorsqu’arrive décembre, je suis souvent vanné. La levée du corps vers les 3 heures du matin, je ne m’y habitue tout simplement pas.

Cependant, le meilleur de la chasse au canard de mer se trouve aux premières lueurs du jour. Mettez votre réveil assez tôt, vous ne le regretterez pas. L’installation prend plus de temps qu’au barbotteur: mise à l’eau du bateau, installation du matériel à bord, trajet jusqu’au site de chasse qui devra se faire en pleine noirceur donc plus lentement et j’en passe.

Une fois toutes ces étapes franchies, il faut encore monter l’installation et positionner le bateau en conséquence bref, calculez au minimum deux heures pour une installation d’une centaine de canards factices.

Les premières lueurs du jour sont souvent les meilleures pour chasser les canards de mer.

La sécurité et la réglementation

Respectez scrupuleusement toutes les règles en matière de navigation et de sécurité. Cela peut vous paraître évident mais des tragédies se produisent en mer chaque année. Une veste de flottaison individuelle pour chaque passager est primordiale. De plus, la plupart de ces vestes ont une date de péremption qu’il est de votre devoir de vérifier.

Il faut aussi tenir compte du fait que les équipements de sécurité qui doivent obligatoirement se trouver à bord varient en fonction de la longueur du navire (plus de 6 m, plus de 9 m etc.) et du fait qu’il soit ou non à propulsion humaine bref, autant de facteurs dont il faut tenir compte afin de se lancer l’esprit en paix. Ces obligations règlementaires peuvent varier d’une année à l’autre en fonction des développements législatifs. Vous pouvez les retrouver sur le site de navigation nautique canada (navigationnautiquecanada.ca).

Vous devez aussi savoir qu’il est interdit de chasser les oiseaux migrateurs au moyen d’un aéronef, d’un véhicule terrestre motorisé ou d’un bateau équipé d’un moteur ou de voiles qui est en mouvement (un bateau est en mouvement lorsqu’il continue de se déplacer en raison du mouvement qui a été généré par son moteur ou ses voiles). Un bon truc pour être certain de ne pas enfreindre la règlementation est de ne faire feu que lorsque le moteur est éteint et le bateau à l’ancre.

Un filet pour la pêche est pratique et sécuritaire pour récupérer nos prises par mer agitée.

Conclusion

La chasse du canard plongeur représente un défi exaltant pour tout sauvaginier, qu’il soit expérimenté ou non. Bien-sûr, les têtes vertes de fin de saison ont leur sex appeal, mais les kakawis, eiders et macreuses jouissent d’une beauté qui n’a rien à envier au plus beau canard barbotteur de fin de saison.

De voir ces lignes de petits points noirs s’approcher au niveau de l’eau à toute vitesse pour entrer dans le plan à la dernière seconde a quelque chose d’unique qui vaut la peine d’être vécu au moins quelques fois dans une carrière de sauvaginier. Et, si vous tentez le coup, pensez à un petit budget pour la taxidermie, on ne sait jamais…

L’auteur et ses compagnons lors d’une sortie de chasse de fin de saison au canard de mer.

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